A la lumière d’hiver
Suis-je donc enfermé dans le glacial décembre
comme un vieillard sans voix, derrière sa fenêtre
à chaque heure plus sombre, erre dans sa mémoire
Philippe Jaccottet, Poésie 1946-1967
Je me demande bien comment j’ai fait pour me traîner jusqu’aux vacances.Chaque année, c’est la même chose, le mois de décembre manque de m’achever.
Faut dire que quand je me lève le matin, voilà la vue depuis ma fenêtre. On se croirait chez Flaubert.
En plus, depuis trois jours, c’est inondé, presque comme dans le générique de The Affair. Sauf que je suis encore (modérément) vivante, moi…(vous avez entendu cette chanson glauquissime de Fiona Apple?)
On est encore pour un temps dans le cocon de la lumière.
Quand il se défera (lentement ou d'un seul coup),
aura-t-on pu au moins former les ailes
du paon de nuit, couvertes d'yeux,
pour se risquer dans ce noir et dans ce froid?
Philippe Jaccottet, L’Encre serait de l’ombre
J’ai quand même bien été obligée de sortir de mon trou sans fond quand la Petite Créature a été invitée à l'anniv'de sa copine, laquelle guignait sévère sur l’Apolline de l’an dernier.
J’ai gardé le tulle kibrille (merci Jul!)et le biais argenté, mais avec de la popeline rose pour emporter une adhésion encore plus massive.
Comme la copine est fluette, j’ai fait deux petits plis brodés pour resserrer l’encolure.
Tu reconnais le tissu, Lo?
Rhââ, je l’aime presque autant que la bleue…
…et La Créature était bien contente de l’apporter à sa copine.
Tant que j’étais dans le rose saumoné, j’ai voulu défier le sort et en faire enfin un à cet étrange biais élastique satiné que j’avais commandé quand j’étais encore en pleine lune de miel avec le jersey.
J’étais encore sous la vive impression d’une robe Petit Bateau en velours noir que j’ai voulu copier. Le modèle Enora de Citronille semblait tout indiqué.
Je vous épargne les photos du vêtement sur cintre, qui ressemble à un chiffon à poussière mi-propre. Le modèle ne présente aucune difficulté, mais par contre j’ai eu vraiment du mal à coudre le biais élastique. Il s’agissait d’emprisonner des bords mouvants de jersey velours épais et mou dans un fin sandwich de biais fin et glissant, tout en tirant dessus pour qu’il soit environ 30% plus court que le bord afin que celui-ci ne bâille pas (si vous me suivez), le tout au point zigzag, sans coudre tordu, si possible.
J’y ai mis un temps fou, la couture n’était pas trop moche, dans l’ensemble j’étais fière de moi…jusqu’à l’instant fatidique du HATE CRIME!
Lorsqu’on tire sur les bords, comme il arrive couramment en passant le vêtement par la tête, hé bien voici ce qui se passe: le jersey velours s’effiloche sur les bords, se faufile entre les points zigzag, et ça fait des trous. Super. C’est d’autant plus ballot que la Créature l’adore, vu qu’elle est longue et qu’elle tourne.
Donc ma question est : comment est-on supposé faire??? Entoiler le bord pour le rigidifier et empêcher qu’il s’effiloche? Coudre le biais en deux étapes comme un biais coton en espérant que ça solidifie le bord? Aller se pendre sans plus y penser??? Je m’interroge, il me reste des mètres de ce biais bizarre…
Alors après j’étais fatiguée de l’héroïsme et j’ai donc opté pour des tricots rapides et gratifiants.
Voici donc un ensemble col + bonnet Lucky de De Rerum Natura pour le Lutin.
Je réalise seulement maintenant que le col est un progrès révolutionnaire! Il se termine en deux soirées à peine là où l’écharpe prend des jours!
J’avais pris de quoi faire les mêmes à la Créature mais rapport au burn out susmentionné ça n’a pas pu se faire avant l’arrivée du froid donc la pauvre enfant se contente d’un ensemble tout moche en synthétique du commerce. J’ai honte.
A la place j’ai accédé à la flatteuse demande de mon beau frère qui voulait la même écharpe tartan que moi mais en bleu-noir-beige. Quand il a choisi les couleurs j’ai eu peur que ça rende terne, mais en fait non, le résultat est plutôt chouette, je trouve.
Bon, ben voilà, je m’en retourne comater avec mes bouquins, moi…
Ouvrir un livre de poésie, c'est vouloir s'éclairer avec une bougie en pleine déflagration de la bombe à hydrogène. Parier pour la bougie en ce cas, est tout à fait insensé, et cependant, c'est peut être dans ce genre de pari que réside notre avenir.
Philippe Jaccottet, Tout n’est pas dit.
NB: vous devez ce billet aux bons offices de la FDLB, qui m’a envoyé cette mise en demeure il y a quelques jours, par la voix de sa Présidente (merci, Anne, ça fait bien plaisir!)
“C'est en qualité de présidente de la fédération des lecteurs de blog frustrés que je formule ma réclamation, car la fréquence des posts, en nette baisse depuis quelques mois, nous rend la vie difficile.
C'est que la tristesse de la période hivernale nous conduit à rechercher la lumière ailleurs, et tes articles pleins d'humour illuminent nos longues journées (j'ai failli écrire : nos vies, mais c'est too-much et ça décrédibiliserait ma réclamation, non ?). […]”
Camarades, je vous quitte, survivez bien, et à l’année prochaine!